Refonte de l'identité visuelle du géant Deezer, un pari risqué ?
Ça ne vous aura certainement pas échappé : Deezer, plateforme française de streaming audio, a complètement réorienté son identité visuelle. On vous explique pourquoi.
Refonte graphique de l'identité visuelle de Deezer, pourquoi ?
Ça ne vous aura pas échappé : Deezer, la plateforme française de streaming audio, a récemment dévoilé une refonte complète de son identité visuelle, marquant une évolution significative depuis son ancien logo. Derrière ce changement d’identité à 360 degrés, se cache un objectif clair : changer de stratégie, en repositionnant sa plateforme au plus près de la gen Z.
Révolution dans le monde du streaming musical, puis déclin ?
Nées au milieu des années 2000 (2007), les plateformes Spotify et Deezer révolutionnent la façon de consommer la musique en donnant accès à des milliers, voire des millions de titres en échange d’un simple abonnement. Rendez-vous compte, on parle d’une époque où la norme était de télécharger des titres mp3 sur des sites pirates, au mieux de les acheter sur iTunes pour ensuite les transférer sur son lecteur mp3.
Depuis lors, les services de streaming musical ont proliféré, parmi lesquels on distingue :
- Spotify (2007)
- Deezer (2007)
- Amazon Music (2007)
- Apple Music (2015)
Bien qu'ils soient largement reconnus et utilisés, ces mastodontes de l'industrie ne parviennent pas à être rentables. Après 15 ans d’activité, Deezer, dont l’activité centrale est la distribution de contenu numérique, espère l’être d’ici à 2025. Pour d’autres concurrents comme Amazon ou Apple musique, la recherche d’un seuil de rentabilité n’est pas nécessairement une fin en soi. En effet, le cœur de métier de leurs maisons mères (Amazon et Apple) sont le retail et la vente de produits électroniques. Le streaming musical n’est qu’une porte d’entrée proposée aux consommateurs dans leurs écosystèmes.
Deezer : se repositionner pour continuer d’exister
Avec uniquement 2% de parts de marché et 10 millions d’abonnés essentiellement francophones, Deezer est loin d’être leader sur son marché, versus Spotify et ses 226 millions d’abonnés. Bien qu’en bonne santé si l’on s’intéresse à son actualité récente (entrée en bourse et chiffre d'affaires en croissance), la firme française doit évoluer pour s’assurer un avenir serein. Cela passe par un changement de positionnement, matérialisé par une toute nouvelle identité graphique. En ligne de mire, un public plus jeune, engagé et insouciant.
Les anciens logos Deezer de 2007 à aujourd’hui
Depuis sa création en 2007, Deezer n’avait fait évoluer son logo qu’une fois, en 2019, pour changer la police et les couleurs de l’égalisateur musical qui en était l’emblème. La refonte avait donc été partielle et n’avait pas secoué les usagers outre mesure. « L'ancien logo de Deezer était fortement lié au son, avec son onde sonore facilement repérable (en couleur), mais n'avait rien à dire, avec ses caractéristiques fades et sa personnalité simple. », estime Romulo, lead-designer au Brésil pour mprez®.
Depuis novembre 2023, en revanche, la nouvelle identité visuelle de Deezer fait parler d’elle. Cette fois-ci, la refonte est complète : la plateforme d’écoute musicale s’est refait une beauté en arborant un nouveau logo, une nouvelle palette chromatique, de nouvelles déclinaisons et une nouvelle vision entrepreneuriale. « Le nouveau logo, tout en conservant ce sentiment de connexion avec les ondes sonores, s'adresse davantage aux mélomanes, en accentuant ce qui les rassemble : la musique. », poursuit le graphiste.
On n’entend bien qu’avec le cœur
La nouvelle charte graphique de Deezer s’articule avec des formes mouvantes qui, autour du logo-cœur, créent un véritable écosystème en pleine respiration.
Ce nouveau logo, c’est une ode d’amour à la musique : le cœur ne bat que pour les pulsations musicales, il est en accord avec elles. Les autres formes, plus diffuses, représentent les battements et les rythmes dans la musique. Elles peuvent se métamorphoser à volonté selon les chansons.
Le but de ces formes si particulières est d’offrir une expérience immersive, ancrée dans la musique.
Pour Romulo, « Le "cœur battant", comme l'appelle Koto (l'équipe de conception responsable de la refonte de la marque), a beaucoup de mouvement et de personnalité, ce qui renforce le lien avec l'objectif du public lorsqu'il écoute de la musique : la connexion avec les artistes. »
L’écosystème Deezer : adieu standardisation, bonjour Y2K
Ce qui frappe au premier regard, sont les couleurs, plus vives et profondes, plus audacieuses : on passe du violet à l’orange et au jaune pour refléter la vie et le dynamisme lié à la musique. On remarque également une nouvelle police fait son entrée dans l’univers Deezer : c’est la Deezer SANS, une police 100% créée pour l’application et les visuels de la marque. Ces nouveautés illustrent la nouvelle énergie dégagée par la marque, son envie de mouvement et un clin d’œil adressé directement à une cible plus jeune, plus dynamique, lassée par les univers graphiques standardisés et rigoureux, empruntés aux start-up californienne.
Le résultat se veut frais et pimpant. « Le rebranding est énergique et dynamique, avec des codes actuels juxtaposés à des références tout droit venues des années 2000’s, qui plairont à un jeune public, sûrement le cœur de cible de ce nouveau positionnement. », jauge Bessy, lead-designer à Paris pour mprez®.
Le tout forme un nouveau style iconographique immédiatement reconnaissable, qui impose l’identité de Deezer d’un simple coup d’œil. « Il est désormais possible d'identifier la marque à des kilomètres de distance sans qu'il soit nécessaire d'afficher un véritable logo. La police de caractères est également entièrement nouvelle et exclusive à la marque, ce qui renforce encore ses capacités de communication. », renchérit Romulo.
Au final, ce qui frappe avec cette nouvelle identité graphique, c’est la rupture avec le formalisme de l’ancien logo, remplacé par un univers léger, imparfait, presque désordonné. Ce n’est pas sans rappeler un temps pas si lointain, les années 2000, marquées par leur insouciance à l’égard des problématiques environnementales, le consumérisme de masse et un univers graphique coloré, rondouillard et texturé (matières plastiques, strass, reflets…).
Ce sentiment de nostalgie de la gen Z porte un nom : la tendance Y2K. Pour la qualifier simplement, il s’agit d’une ode nostalgique au style et à l'esthétique des années 2000. Elle se caractérise par des éléments de mode emblématiques de cette période, tels que les reflets irisés, les vêtements moulants, les matières brillantes, les logos apparents, les mini sacs à main, les lunettes de soleil futuristes et les bijoux voyants. Cette tendance cherche à réinterpréter et à moderniser les codes de la mode de cette époque, en les adaptant aux standards contemporains. Elle est également influencée par la culture pop et les icônes de cette décennie, reflétant un mélange de futurisme et de rétro.
Deezer en se parant de cette esthétique Y2K populaire auprès des jeunes générations, qui redécouvrent et réinterprètent les looks emblématiques des années 2000 avec une touche de modernité, compte bien attirer la génération gen Z (née entre 1995 et 2010) dans son giron. Pari réussi ? Seul l’avenir nous le dira.
L’accueil du public
La toile s’est enflammée à la suite de cette révélation identitaire et chacun y allait de son petit commentaire.
Beaucoup de personnes étaient déçues, trouvant le résultat peu probant. Certains sont allés comparer l’application à un site de rencontre à cause du cœur, d’autres ont pensé qu’il s’agissait d’un branding pour Halloween à cause des formes atypiques et du cœur qui peut faire penser à une chauve-souris.
Des graphistes se sont emparés de ce phénomène et de cette émulation pour proposer leur propre rebranding de Deezer, engendrant une véritable vague créative sur le net.
« Il est important de noter que ce type de changement de marque s'accompagne toujours d'un retour de bâton, car il est la plupart du temps inattendu et très spectaculaire. Les êtres humains ont tendance à ne pas aimer les changements, quelle que soit leur ampleur, et il est donc difficile de s'attendre à ce qu'ils soient bien accueillis lorsqu'il s'agit de changements aussi importants. », explique Romulo.
Les avis de nos experts
De notre côté, nous trouvons le nouveau branding plutôt réussi ; il dégage une énergie certaine et un détachement osé et audacieux de son petit frère de 2019.
Romulo a été très emballé par la proposition graphique et a ajouté que : « Malgré la réaction initiale du public (du moins d'après ce que j'ai vu en ligne), je pense personnellement que le changement de marque est très positif. Bien que controversé, je pense que ce changement de marque était nécessaire et qu'il sera certainement utile si la marque souhaite se hisser au niveau de ses concurrents. »
De son côté, Bessy estime que « Les déclinaisons sont pleines de vie, mais surfent sur des tendances actuelles manquant de pérennité. À voir si Deezer atteindra son objectif d'apporter un second souffle à sa marque avec une direction artistique faisant plus festival électrique que plateforme de musique. »
Le mot de la fin est donc de savoir si cette identité est pérenne et sera toujours aussi appréciée dans quelques années, en espérant donc que les choix ne reposent pas seulement sur des effets de mode, mais sur des éléments visuels innovants et porteurs de futur.
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Ce qu'il faut retenir
- Détachement de l'ancien logo de Deezer et de l'ensemble de la charte graphique précédente
- Avis controversés autour de la nouvelle identité, mais il est important de noter que ce genre de virage graphique fait rarement l'unanimité. Et de toute manière, la plateforme française de streaming ne cherche pas à faire consensus
- Volonté de se différencier des géants de l'industrie et de toucher la Gen Z en surfant sur la tendance Y2K